AU-DELÀ DU CONNU
La part d’étrangeté ressentie par les gatecrasheurs et autres personnes explorant des environnements inconnus, comme les ruines de la Terre, tient pour une part non négligeable à l’absence de données.
Quand ils tombent sur une plante extra-terrestre ou un être ayant muté sous l’influence des Titans, leurs bases de données et procédures de recherches les renvoient systématiquement vers des messages d’erreur se bornant à répéter qu’il n’existe aucune donnée recensée sur le sujet ou que les seules données disponibles sont purement spéculatives et ne devraient être considérées qu’avec la plus grande précaution.
Ceci est particulièrement troublant quand le sujet en question est une petite créature qui a tout juste atterri sur l’épaule de l’explorateur et que ce dernier cherche simplement à savoir si elle est mortelle ou inoffensive.
La majorité des moins de soixante ans a toujours vécu dans des environnements où les moindres informations sur tout ce qui les entourait étaient accessibles en un clin d’oeil.
Encaisser le choc de sa propre ignorance quant à certains sujets est l’une des premières leçons que doivent apprendre les gatecrasheurs, et ce n’est pas une leçon facile.
Ouverture des Portes de Pandore
La découverte, peu après la Chute, de la première Porte de Pandore sur la lune de Saturne éponyme, a été un tournant dans l’histoire transhumaine.
Les perspectives ouvertes par cette découverte étaient à la fois terrifiantes et captivantes.
D’un côté, nous tenions entre nos mains des technologies bien au-delà de nos compétences et connaissances, et ceci nous permit de reporter notre vision vers de nouveaux horizons, loin des horreurs de la Chute, vers des futurs où la transhumanité pourrait s’étendre à travers le cosmos et explorer des merveilles jusqu’alors hors d’atteinte, même pour les quasi-immortels que nous étions.
Parallèlement, on ne pouvait écarter la possibilité que ces Portes fussent des reliques des Titans. Leur existence soulignait l’éventualité que les Titans reviennent un jour ou que la transhumanité les croisent inopinément en vagabondant à travers la galaxie.
Et l’alternative était plus effrayante encore : la Porte pouvait être d’origine extra-terrestre et des choses bien plus dangereuses et terrifiantes que les Titans pouvaient parfaitement hanter l’espace entre les étoiles.
Nombre d’hypercorps, de gouvernements et d’autres factions attelèrent leurs esprits les plus brillants à la résolution du mystère de ces « trous de ver ».
De nombreuses communautés scientifiques partagèrent leurs ressources – soutenues par des fonds privés – et craquèrent le code de la Porte de Pandore en à peine une année.
Non seulement la Porte était activée, mais on pouvait également la programmer pour ouvrir des connexions vers de nombreux systèmes stellaires fort distants (un à la fois).
Bien que les contrôles fussent au mieux incertains – connexions se fermant parfois sans prévenir, impossibilité d’en rétablir certaines pourtant déjà ouvertes auparavant – les fonctionnalités étaient assez stables pour un usage immédiat.
Alors même qu’était révélée au public cette avancée majeure, la Gatekeeper Corporation fut fondée en une nuit par la fusion des communautés scientifiques ayant activé la Porte et de leurs financiers.
Moins d’un an après sa première opération, la nouvelle hypercorp étendit l’accès à la Porte aux « gatecrasheurs » : des explorateurs risquant leur vie pour mettre au jour ce qui se trouve de l’autre côté de ces seuils.
Beaucoup périrent dans d’horribles circonstances, certains disparurent à jamais, mais quelques-uns firent de fantastiques découvertes, comme de nouveaux mondes ou de nouvelles formes de vie.
Et si aucune des formes de vie extra-terrestres rencontrées jusqu’à présent n’a montré de signes de conscience, beaucoup des planètes explorées se sont révélées habitables ou terraformables.
Outre ces merveilles, on découvrit des choses plus perturbantes : en particulier les traces d’une civilisation extra-terrestre depuis longtemps disparue (les Iktomi) et des traces témoignant du passage des Titans en ces lieux avant nous.
Des Portes supplémentaires furent bientôt découvertes dans le reste du système.
Mais contrairement à l’esprit de coopération qui avait prévalu lors de la découverte de la première Porte, celles-ci furent traitées comme des ressources de haute valeur à se disputer.
Initialement limitées à des objectifs de recherche, la plupart des Portes sont maintenant utilisées à des fins de colonisation.
Des douzaines, si ce n’est des centaines, de stations et de colonies exoplanétaires ont été établies, certaines particulièrement peuplées.
On ne manque pas de pauvres ou d’individus désespérés prêts à risquer leur peau sur un monde inconnu si cela peut améliorer leur vie ne serait-ce que d’un iota.
S’il est largement admis que ces Portes sont celles par lesquelles les Titans ont quitté le système solaire (une théorie qui échoue cependant à expliquer pourquoi ils le firent), leur construction est impossible à dater.
Même sans tenir compte du mystère de leur origine, ces Portes demeurent l’une des technologies les plus dangereuses et les plus prisées du monde post-Chute.
Cinq Portes de Pandore sont connues au sein du système solaire.
Voici leur localisation et les entités en charge de leur contrôle :
• Porte de Vulcain : Caldwell (Vulcanoïdes) – Terragenèse
• Porte de Mars : Ma’adim Vallis (Mars) – Pathfinder/Consortium Planétaire
• Porte de Pandore : Pandore (lune de Saturne) – Gatekeeper Corporation
• Porte de la Fissure : Uranus – Collectif Love & Rage/Anarchistes
• Porte de la Discorde : Éris (Ceinture de Kuiper) – Groupe Go-Nin/Ultimistes
Le Savoir Perdu
Les connaissances et informations accumulées sur Terre, couvrant l’histoire de l’intelligence humaine, représentent d’impressionnantes masses de données.
Même avant la Chute, de nombreuses colonies orbitales avaient déjà acquis des archives complètes sur les anciens savoirs et les anciennes créations de l’humanité, incluant des copies de chaque livre, tableau, chanson, film, programme télé, console de jeu, journal et article de magazine jamais transposé en format numérique, ainsi que les sauvegardes de toutes les archives internet de la Terre.
Mais beaucoup de programmes destructeurs libérés pendant la Chute ont corrompu ces bases d’informations, les effaçant parfois complètement.
Cela veut dire que ce qui reste de l’histoire et des données archivées de la Terre est inégal et incomplet.
L’ensemble a survécu, mais quelques trésors ont été définitivement perdus. En particulier, les informations datant de l’époque de la Chute elle-même sont très difficiles à trouver étant donné les attaques répétées que les Titans ont lancées sur les systèmes d’information.
Les données prioritaires qui ont été tenues à l’écart du domaine public, conservées à l’abri derrière les portails électroniques de la Terre, ont très probablement été perdues, excepté pour quelques hypercorps qui sont parvenues à les rapatrier in extremis.
La récupération de données perdues est un commerce lucratif pour les pilleurs et archéologues, mais s’aventurer dans les coins dangereux de la Terre ou au milieu de ses habitats en ruines, détruits au cours de la Chute, est quelque peu risqué.
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